Disco Elysium est un jeu unique, hybride, oscillant entre le RPG - dans le sens le plus littérale, c'est-à-dire très similaire à un jeu de rôle papier - et le point'n'click policier. Mais Disco Elysium, dans sa définition, va plus loin. Nous connaissons tous des jeux souvent qualifiés de "film interactif", à la manière d'un Hellblade ou d'un Heavy Rain, Disco Elysium c'est un "roman interactif" tant il n'est pas avare en texte, que ce soit pour de la simple exposition ou des réflexions philosophiques plus poussées, c'est un jeu qui s'écoute mais surtout qui se lit.

Avant d'évoquer ce qui fait la force principale du jeu, parlons de sa plastique. Techniquement, Disco Elysium manque de finesse, les textures sont un peu baveuses, elles manquent de précisions, elles donnent un sentiment de "basse résolution". Mais rassurez-vous, ce n'est en rien gênant, d'autant que le jeu dispose d'une direction artistique unique et inspirée. Rappelant les oeuvres de l'artiste Francis Bacon, les illustrateurs et graphistes se sont lâchés et nous ont donnés un monde virtuel d'exception, que ce soit dans les lieux visités ou les portraits des personnages rencontrés.

La bande son dispose également d'un travail de qualité avec des musiques cohérentes à l'ambiance du jeu, souvent assez discrète pour accompagner tout en douceur le joueur. Notez qu'un soin tout particulier a été apporté aux doublages vocaux des différents intervenants, rendant l'immersion encore plus prenante. L'accent français dans les doublages : masterpiece !

LE point fort du jeu : sa narration

C'est l'atout principal de Disco Elysium, sa narration. Commencer une partie, c'est s'embarquer dans une aventure à la profondeur inattendue, c'est entrevoir les multiples possibilités et ramifications d'un univers à travers le petit trou d'un judas. Sous couvert d'une amnésie totale suite à une soirée trop arrosée, vous découvrirez (vous et votre personnage) un monde inconnu au lore incroyablement dense et particulièrement recherché. Cette profusion de détails et d'histoires annexes participent à vous immerger totalement dans ce monde dangereux et complexe. En effet, il sera souvent question de politique, de philosophie -parfois les deux en même temps-, de choix moraux ayant des conséquences sur le bon déroulement de votre enquête (votre objectif étant de résoudre un meurtre).

Disco Elysium vous laisse libre choix de construire le personnage que vous souhaitez (une brute ignorante, un artiste sensible, un intello réfléchi) grâce aux nombreux traits de caractère présents (chacun pouvant se manifester en voix off pour vous aider - ou pas), ils peuvent tous être augmentés moyennant des points de compétence, eux-même gagnés par l'obtention d'xp. A l'instar d'un jeu de rôle papier, nombre de vos actions seront déterminées par un jet de dés. Vos choix de caractère prépondérants modifient les options de dialogue internes au personnage et vous permettent de réussir, plus-ou-moins facilement, les lancers de dés sur certains choix de dialogue disponibles.

L'histoire en elle-même est suffisamment prenante et bien ficelée pour vous tenir en haleine et vous pousser à découvrir la fin. Elle dispose de quelques rebondissements et moments de grâce réussis.

LE point faible du jeu : l'illusion du choix

Dans Disco Elysium, vous avez le choix. Il existe plusieurs chemins pour arriver jusqu'à la fin mais tous passent par des étapes obligatoires. Lors de ma seconde run, j'ai opté pour les choix inverses de ma premières partie, outre des dialogues différents, j'ai été déçu du peu d'impact que certaines décisions avaient en réalité. Par exemple : j'ai choisi de frapper Jauge-Caboche et d'appuyer sur le bouton d'ouverture des portes du port, mais cela n'a rien changé, les portes ne se sont pas ouvertes et Jauge-Caboche est revenu à sa place comme si de rien n'était - autre exemple : j'ai frappé Cuno en espérant qu'il serait plus facile à faire parler, cela n'a rien changé - autre exemple : sachant que la clé de l'atelier de flipper était derrière la vitre de la cafétéria, j'ai souhaité la récupérer pour aller parler à Klaasja avant de parler à Titus, j'ai réussi mon lancer de dés mais le jeu n'a pas voulu me donner la clé avant que je ne parle à Titus.

En somme, les nombreux choix d'approches et de dialogues offerts sont illusoires car vous serez toujours obligé de passer par les mêmes grandes étapes pour avancer dans l'histoire (ma seconde run m'a un peu déçue sur ce point), c'est là, la limite d'un jeu vidéo face à un vrai MJ.

Conclusion :

Disco Elysium est un très grand jeu. Proposant une expérience immersive et intense, laissant au joueur la liberté d'incarner le personnage qu'il souhaite et d'en tirer les conclusions et conséquences qui en découlent.